Vous souhaitez que votre succession revienne directement à vos petits-enfants à votre décès tout en réalisant une opération fiscale appréciable ? Depuis 2013, le législateur a mis en place un mécanisme appelé “saut de génération”. Explications…
C’est une vérité statistique : nous héritons de plus en plus tard et l’âge auquel nous recevons une donation ou un héritage de nos parents ne cesse de progresser. Vieillissement de la population, espérance de vie moyenne et progrès de la médecine sont passés par là…
Mais les enfants, héritiers logiques et légitimes, ont souvent déjà assuré leurs arrières et constitué leur propre patrimoine au moment d’hériter de leurs parents. Ce qui rend cette donation ou cet héritage parfois parfaitement superflu.
Un coup de pouce bienvenu des grands-parents
Une génération plus bas, les petits-enfants, eux, commencent souvent à quitter le nid et à voler de leurs propres ailes (premier emploi, premier logement…) lorsque leurs grands-parents décident d’effectuer une donation ou lorsqu’ils viennent à décéder. Pour eux, un coup de pouce venu des grands-parents est pourtant une bénédiction pour acquérir un logement ou se lancer dans un projet entrepreneurial…
C’est pourquoi, le législateur a pris des mesures afin d’encourager le ‘saut de génération’, un mécanisme qui permet de transmettre tout ou une partie du patrimoine des grands-parents aux petits-enfants et non, comme d’habitude, aux enfants.
Il existe plusieurs façons d’organiser ce saut de génération. Examinons-les ensemble…
Par testament ou donation
Les grands-parents peuvent, de leur vivant, rédiger un testament en faveur de leurs petits-enfants ou procéder à une donation en leur faveur.
Concrètement, ils peuvent par voie testamentaire faire ce qu’ils veulent de la moitié de leur patrimoine, l’autre moitié étant d’office réservée aux héritiers prioritaires, les enfants et le conjoint survivant, via le principe de la part réservataire, un minimum successoral qui doit leur être attribué.
Indépendamment du nombre d’enfants, les grands-parents peuvent donc ‘distribuer’ la moitié de leur patrimoine à leurs petits-enfants.
Fiscalement intéressant
D’un point de vue fiscal, c’est très avantageux. Dans les trois régions du pays, les droits de succession en ligne directe sont calculés par héritier et selon des taux d’imposition progressifs. Plus il y a d’héritiers, plus la moyenne d’imposition sur la succession est faible.
Exemple :
Paul, un grand-père (veuf) n’a pas rédigé de testament. À son décès, il laisse à sa fille unique, Monique, (mère de trois enfants) un patrimoine total de 600.000 euros. Sa fille hérite de l’ensemble de ses avoirs. En fonction de la région de résidence du défunt, sa fille devra régler environ 115.000 euros de droits de succession (taux minimum de 19%).
Si, par contre, Paul a laissé un testament qui précise son souhait de répartir son patrimoine entre sa fille unique, Monique et ses trois petits-enfants, la différence est énorme en termes de droits de succession.
Paul laisse à sa fille la moitié de son patrimoine, soit 300.000 euros (part réservataire) et distribue à ses 3 petits-enfants 1/3 de l’autre moitié (soit 100.000 euros par petit-enfant)
Dans ce cas, le total des droits de donation atteindra, selon le lieu de résidence du défunt de 51.000 à 55.000 euros environ.
On le voit en organisant par voie testamentaire ce saut générationnel, on peut obtenir une ‘économie’ de 61.000 à 63.000 euros sur les droits de succession et les réduire de moitié.
De leur vivant
Bien entendu, les grands-parents ne sont pas obligés d’attendre leur décès pour transmettre quelque chose à leurs petits-enfants. Ils peuvent en effet parfaitement faire des donations de leur vivant.
Mais, en pratique, c’est plutôt rare, car les grands-parents ont peur de léser leurs propres enfants, ou de traiter de façon inégale les différentes branches de la famille, qui n’ont pas forcément le même nombre de petits-enfants.
C’est pourquoi la majorité des grands-parents préfèrent intégrer leurs petits-enfants dans leur planification successorale pour mettre en pratique ce saut de génération. Comme nous allons le voir ci-après, ce saut peut être total ou partiel.
Le saut de génération (renonciation totale)
Dans ce premier cas de figure, l’héritier touche son héritage, paie l’intégralité des droits de succession et peut ensuite faire donation à la génération suivante, sans devoir payer un centime de droits de donation !
Séduisante en théorie, cette solution est plus compliquée à mettre en place dans la pratique. Car les grands-parents doivent alors ‘convaincre’ leur(s) enfant(s) de renoncer à leur héritage au profit de leur propre descendance.
Les grands-parents ne sont ici pas vraiment maîtres de la décision finale et de la bonne exécution de leur souhait. Tout dépend du bon vouloir des enfants qui doivent dans cette formule obligatoirement renoncer à la totalité de l’héritage. Et ce principe du “tout ou rien” est souvent le point qui fait blocage.
De plus l’optimisation fiscale envisageable est limitée. L’opération permet tout au plus d’éviter que les droits de succession soient payés deux fois sur un même patrimoine, la première au décès des grands-parents et la seconde au décès des parents.
Mais, à Bruxelles et en Wallonie, les droits de succession à payer par les petits-enfants sont identiques à ceux que le renonçant (les enfants) aurait payés.
Le saut de génération partiel
Le saut de génération partiel que la Région flamande a adopté en 2018 et dont on attend toujours l’entrée en vigueur en Région wallonne (un décret en ce sens ayant été adopté en mai 2019) apporte une solution. Cette solution n’existe pas en Région bruxelloise.
Concrètement, cela donne ceci. Un héritier en ligne directe peut faire donation de tout ou partie de l’héritage qu’il a recueilli – et pour lequel il a payé les droits de succession – au profit de sa propre descendance au 1er degré, en bénéficiant de droits de donation de 0%.
Un exemple. Pierre hérite de 500.000 euros d’avoirs financiers ou d’un immeuble d’une valeur de 500.000 euros de son père Émile, après s’être acquitté des droits de succession, il peut en faire donation à ses propres enfants.
Ici, la décision n’émane pas des grands-parents, mais des parents.
Dans les 90 jours au plus tard
Cette formule est fiscalement avantageuse. Mais la décision reviendra toujours à l’héritier, qui pourra la prendre à tête reposée. L’éventuelle donation de tout ou partie de l’héritage à ses propres enfants (les petits-enfants, donc) devra intervenir au plus tard dans les 90 jours qui suivent le dépôt de la déclaration de succession. Comptez donc 7 mois. La donation devra faire l’objet d’un acte authentique devant notaire.
Chez Fiscal Team, votre expert-comptable est aussi votre conseiller financier.