Mauvaise nouvelle pour tous les chefs d’entreprise résidant en Belgique qui souhaitent préparer leur succession en transmettant des parts de leur société à moindre coût fiscal. Il ne sera désormais plus possible de passer par un notaire étranger pour éviter de payer les droits de donation. Une proposition de loi déposée le 17 juin dernier au Parlement prévoit la fin de ce système, dès le 1er décembre 2020.
Ceux et celles qui ont consacré toute leur vie à construire une entreprise ou à bâtir un capital sont inévitablement confrontés un jour à la délicate question de la transmission. Une étape qui doit être organisée en amont car la transmission par décès sans préparation préalable est tellement coûteuse qu’elle peut mettre en danger la survie de ce patrimoine. Et causer bien des soucis aux héritiers.
Rappelons qu’en Belgique, le taux des droits de succession peut grimper jusqu’à 30 % en ligne directe (enfants/conjoint). En revanche, la donation des actions ou parts d’une société du vivant de leur propriétaire connaît en en Belgique une fiscalité nettement plus avantageuse. Raison pour laquelle cette solution est souvent choisie.
Donations authentiques et obligation d’enregistrement en Belgique
Comment organiser concrètement la donation de parts ou actions nominatives vers ses enfants ou son conjoint ? L’article 931 du Code civil impose la forme notariée authentique pour toute donation. Seules exceptions : les dons manuels, c’est-à-dire la donation de biens meubles de la main à la main (bijoux, tableaux, …) et la donation “indirecte” (les virements bancaires).
La donation authentifiée par un notaire belge entraîne le paiement de droits de donation, qui varient dans les trois régions. Les taux applicables sont de 3 %, 3,3 %, 5,5 % et 7 %, en fonction du degré de parenté entre le donateur et le donataire.
Pour permettre le calcul des droits, conformément à l’article 948 du Code civil, un “état estimatif” des biens donnés doit être joint à l’acte de donation. Cet état doit être signé par le donateur et le donataire.
Donataire ou donateur ? Qui doit payer les droits ?
En principe, c’est le donataire (bénéficiaire du don) qui doit payer les droits de donation. Cependant, même si les droits sont, théoriquement, à sa charge il est possible que le donateur (celui qui donne) les supporte à sa place. Aucune règle contraignante ne prévoit en tout cas que les frais et droits d’un acte de donation doivent être obligatoirement payés par celui qui bénéficie de la donation. De plus, la prise en charge des frais de donation par le donateur n’est pas considérée par l’administration fiscale comme une donation. Les donataires auront dès lors un double avantage à voir les frais de donation au sens large pris en charge par le donateur.
Le recours aux donations à l’étranger
Mais, jusqu’ici, de nombreux donateurs qui souhaitaient contourner le paiement des droits en Belgique faisaient appel aux services d’un notaire dans un pays étranger (Pays-Bas, Suisse,…) où le coût fiscal de cette donation entre non-résidents était nul.
Cette solution était parfaitement légale, l’article 931 du Code civil n’imposant en effet pas que l’acte authentique soit réalisé en Belgique. Le document notarié signé à étranger n’était donc pas obligatoirement enregistrable en Belgique, ce qui permettait d’éviter le paiement des droits de donation.
Une solution qui n’allait pas sans risques
Une telle opération n’était toutefois pas sans risque en cas de décès du donateur dans les trois ans qui suivaient la donation (sept ans même, dans certains cas, en Région flamande). Dans ce cas, l’absence d’enregistrement de la donation en Belgique et de paiement des droits afférents faisait courir le risque que les biens qui faisaient l’objet de la donation soient in fine soumis aux droits de succession
Et si le donateur venait à tomber gravement malade endéans le délai de 3 ans, il était possible de faire enregistrer en urgence l’acte notarié hollandais (ou suisse) et d’acquitter le taux réduit des droits de donation, qui reste nettement inférieur aux droits de succession.
La donation effectuée à l’étranger ne permettait évidemment pas de couvrir le risque d’une “mort soudaine” du donateur dans le délai de trois ans (risque qui pouvait néanmoins être couvert par une police d’assurance spécifique).
Nouvelles obligations
Gros changements en vue avec la nouvelle proposition de loi déposée à la Chambre le 17 juin dernier, laquelle stipule que dès le 1er décembre 2020, toutes les donations de biens mobiliers effectuées devant notaire à l’étranger par un donateur résidant en Belgique, devront être obligatoirement enregistrées en Belgique.
C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour les dirigeants qui envisageaient de transmettre leur entreprise en procédant à la donation d’actions nominatives via ces donations authentiques étrangères à moindre coût fiscal.
Et le registre des actionnaires ?
Cette question a été longtemps débattue : une donation d’actions ou de parts nominatives peut-elle être effectuée par une simple inscription du transfert dans le registre des actionnaires ? Et sans passer par un acte notarié ?
Ce débat a été tranché à l’occasion de l’adoption du nouveau Code des sociétés, qui prévoit que, « le transfert de titres s’opère selon les règles du droit commun ».
L’inscription du transfert dans le registre des actionnaires est considérée par le législateur comme une simple formalité de publicité et d’opposabilité. L’inscription en tant que telle ne constitue en aucun cas un titre de propriété pour le cessionnaire, celui-ci devant produire un acte juridique, de vente ou de donation par exemple.
Il convient donc nécessairement de procéder à la donation devant notaire pour en assurer la validité sur le plan civil et fiscal. Si la loi évoquée plus haut est adoptée, il deviendra en outre impossible, à compter du 1er décembre 2020, de procéder à la donation de parts nominatives sans enregistrer cet acte en Belgique et s’acquitter des droits de donation. En clair, il sera désormais inutile de passer par la case Pays-Bas et de se rendre chez un notaire de Breda…
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