En octobre 2019, la Cour d’Appel de Gand prenait une décision importante en rendant un arrêt très attendu, portant sur l’application de la mesure générale anti-abus (MGAA) dans le cadre d’une réduction de capital. Fiscal Team analyse et commente cette décision avec vous…

Disons tout d’abord que c’est la première fois qu’une Cour d’Appel rend un arrêt sur la nouvelle mouture de la MGAA, laquelle avait été amendée 7 ans plus tôt, en 2012. Cette décision, qui fera jurisprudence, rappelle à l’ordre l’administration fiscale.

Que disent les textes pour définir un abus fiscal ?

Commençons par revenir sur les termes exacts de la nouvelle mouture de la MGAA. En gros, la mécanique est la suivante :

A la base, le Code des impôts sur les revenus (“CIR”) prévoit une mesure anti-abus générale qui permet au fisc de requalifier un acte abusif en un autre acte, réputé être l’acte “normal” qui aurait dû être posé par le contribuable et de le taxer sur cette base.

Pour faciliter la lutte de l’administration fiscale contre les abus, cette mesure générale a été modifiée en 2012. Pourquoi ? Parce que la tâche de l’administration était alors d’une grande complexité. Elle devait en effet, pour respecter la jurisprudence de la Cour de cassation, remplacer la qualification de l’acte “abusif” par une nouvelle qualification ayant des conséquences juridiques semblables à celles de l’acte originel… Un exercice d’équilibrisme juridique impossible à résoudre dans bien des cas. Raison pour laquelle une nouvelle mouture du texte a donc vu le jour en 2012.

La nouvelle mouture de 2012

Dans cette nouvelle disposition, on considère qu’il y a abus fiscal lorsque le contribuable :

  • se place hors du champ d’application d’une disposition prévoyant une imposition
  • effectue une opération qui lui donne un avantage fiscal (déduction ou exonération) prévu par une disposition, mais que l’administration démontre que cela a été fait en violation des objectifs de cette disposition

Pour que l’abus fiscal soit établi, il faut donc que le fisc prouve que, par l’accomplissement d’un acte juridique, le contribuable a cherché soit à échapper à l’application d’une disposition fiscale défavorable, soit à bénéficier de l’application d’une disposition fiscale avantageuse, et ce, en contradiction avec les objectifs législatifs qui sous-tendent la disposition fiscale en cause.

La décision de la Cour d’Appel de Gand

Dans l’affaire soumise à la Cour d’Appel de Gand, l’administration fiscale estimait qu’une réduction de capital social d’une société holding belge (financée par des dividendes reçus de filiales) constituait un abus fiscal au motif que cette opération permettait de contourner une distribution de dividendes qui aurait pu entraîner une imposition des actionnaires personnes physiques (par la retenue du précompte mobilier).

Sur la base d’un jugement en première instance, à Bruges, l’administration fiscale avait requalifié l’opération de réduction de capital par remboursement aux actionnaires en une distribution de dividende imposable au taux de 25% (du moins à l’époque), au motif que cette opération constituait un abus fiscal.

L’arrêt de la Cour d’appel de Gand vient bousculer le jugement précité, et apporte une nouvelle lecture de l’application de la mesure générale anti-abus (ndlr : telle qu’elle s’appliquait au cas d’espèce).

En l’espèce, le contribuable s’est bien placé en dehors du champ d’application de la législation fiscale prévoyant l’imposition des dividendes, mais avec l’autorisation du législateur. Néanmoins,

Le choix de la voie la moins imposée

La Cour rappelle ainsi que l’application de la mesure générale anti-abus doit se faire en laissant au contribuable le choix de la voie la moins imposée.

En l’occurence, si le contribuable s’est bien placé en dehors du champ d’application de l’article sur l’imposition des dividendes, il l’a fait sans intention de violer les objectifs poursuivis par le législateur, la mesure générale anti-abus étant dès lors inapplicable.

Cet arrêt, très commenté, rappelle à l’administration fiscale quelques principes de base : elle doit s’appuyer sur les objectifs de la loi (tels qu’il ressortent de la loi elle-même ou des travaux parlementaires), pour pouvoir appliquer la disposition anti-abus.

Au contraire, l’administration ne peut interpréter la loi à sa guise, préjugeant ainsi du comportement que devrait, selon elle, adopter les contribuables.